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économie rurale
7 août 2016

Le Pr Mvondo Ze justifie le développement des exploitations familiales au Cameroun

 Développement durable

 Le Professeur Antoine David Mvondo Ze cerne le concept de l’agriculture familiale et justifie son implémentation au Cameroun

Selon lui, la petite agriculture encore appelée agriculture familiale joue sur la Travaux de laboratoire à la FASA.(c) Florence Estherconnaissance et l’exploitation judicieuse du terroir afin d’en tirer le meilleur profit. Le Cameroun a lancé depuis plusieurs années le développement des grandes exploitations agricoles. On est donc un peu surpris de voir aujourd'hui, le Fonds International pour le Développement Agricole (FIDA) et l’organisation des nations unies pour l’alimentation (FAO) revenir sur le concept de l’agriculture familiale et le recommander comme socle du développement dans les pays en développement.  

 Ruben Etienne : Pourquoi ce revirement au moment où les grandes exploitations industrielles prédominent dans tous les pays industrialisés et sont le socle de développement de certains pays émergents dont le taux de croissance se situe à deux chiffres ?

 Pr Mvondo Ze : Il faut d’abord dire que parler du concept de l’agriculture familiale revient à définir un type d’agriculture qui est adapté à notre contexte camerounais et Africain. C’est la raison pour laquelle les gens confondent les termes paysans, villageois, agriculteurs…. Ces termes utilisés dans le langage courant ne font pas de distinction entre l’activité économique et l’habitat. Cela se comprend parce que l’agriculture familiale est localisée dans les villages.  Il est donc clair que l’habitant du village est l’acteur principal dans cet environnement.  C’est son lieu de travail de tous les jours. Son activité économique principale, c’est d’exploiter son terroir. Il tient avec sa famille une petite exploitation agricole. Ce type d’agriculture est donc réparti entre de petits groupes d’agriculteur. Chacun a sa petite exploitation et ce segment de terre est logé au sein de la famille. Il est important de définir ce type d’agriculture car il semble s’opposer au concept qui nous vient de l’Occident et qui vise à augmenter les surfaces pour accroitre considérablement la production : c’est l’agriculture des grandes plantations.

Toutefois, le concept de l’agriculture familiale qui est aujourd’hui développé n’est pas erroné. Il vient d’ailleurs à point nommé car il apporte une vision du développement agricole qui s’insère dans son contexte social et environnemental.  Il est désormais évident qu’il ne faut pas seulement compter sur les grandes exploitations à l’image de ce qui se passe en Occident avec une panoplie de grandes fermes, des équipements modernes et souvent très lourds qui exigent une maintenance continue et des techniciens bien formés. A l’opposé, la petite agriculture familiale joue sur l’intensification, la connaissance, l’exploitation judicieuse du terroir afin d’en tirer le meilleur profit. On peut aussi à travers elle et par une bonne implémentation augmenter les rendements et la production. Une exploitation familiale de Maïs.(c)Florence Esther

Dans ce contexte, ce type d’agriculture doit cesser d’être une agriculture de subsistance mais elle doit devenir un moyen concret d'accroître les revenus des populations rurales. Nous devons avoir à l’esprit, l’exemple de la Hollande. On y trouve difficilement de grandes fermes laitières. En réalité, ce sont toutes ces fermes réunies qui font de la Hollande, l’un des plus grands producteurs de lait du monde.  Le concept de l’agriculture familiale trouve donc au Cameroun toute sa place.

 Ruben Etienne : Certains observateurs définissent l’agriculture familiale par rapport au type de matériels utilisés, d’autres par rapport à la main d’œuvre.  Comment la cerner?

 Pr Mvondo Ze : Tous les aspects que vous décrivez vont ensemble. A la base, il  y a des familles qui depuis des décennies, voire des siècles, font cette activité. Elles exploitent leur terroir. Dans tous les villages africains, les gens ne vivent que de cela mais le monde est devenu moderne. Au moment ou le Cameroun va devenir un pays émergent, il ne faudrait plus que ces exploitations soient basées sur une manière de faire ancestrale mais qu’elles deviennent de véritables exploitations agricoles. Elles vont certainement continuer à être familiales parce que la main d œuvre va tourner autour du chef de famille. Il y aura sa femme, ses enfants, ses cousins et bien d’autres personnes mais le contexte changeant, il faudrait que certains paramètres changent. Le principal paramètre qui doit changer, c’est le chef d’exploitation. 

Revenons, un instant sur les initiatives qui ont été prises dans le passé. Le constat qui revient à l’analyse, c’est que l’on a obtenu des résultats mitigés. Cela est dû au fait que l’on a négligé dans la phase conceptuelle, la cellule qui exploite le terroir. Le point central par lequel il faut commencer, c’est le chef d’exploitation : qui est-il ? Que doit-il faire ?...c’est à partir de là que l’on peut définir toute les stratégies de transformation des exploitations familiales afin qu’elles s’adaptent au contexte actuel du pays.

Il faut développer les exploitations familiales à la base

 Ruben Etienne : A l’analyse, que peut-on retenir de ces expériences ?

 Pr Mvondo Ze : Il y a eu tellement d’expérience dans ce domaine mais comme je l’ai dit, les résultats ne peuvent être que mitigés ou pour dire simple, on a été déçu. A mon avis, le principe est simple, il faut à la base des exploitations familiales mais modernes.  Moderne veut dire quoi ?...Il faut que le chef d’exploitation soit quelqu’un de bien outillé techniquement et sur le plan managérial. Dans tous les programmes que nous avons connus, à la fin de chaque cycle, on est retombé sur les organisations paysannes (OP) parce qu’à la fin, on s’est rendu compte que le petit exploitant, de lui-même ne peut rien. Il est limité sur tous les plans. Il l’est surtout dans la connaissance même de ce qu’il doit faire, dans sa technicité. Il ne faut pas oublier que l’agriculture est une science.  C’est une technique économique. Elle doit donc être rentable. A cet effet, il faut que les noyaux de ces exploitations soient de véritables entrepreneurs, des gens qui savent ce qu’ils doivent faire. Ils doivent maîtriser les aléas climatiques, les techniques d’irrigation, de fertilisation et d’autres qui accompagnent la production agricole. De plus, il faut qu’ils sachent aussi tenir un compte d’exploitation.  Voila pour la formation mais cela ne suffit pas parce qu’il y a d’autres facteurs qui vont avec tels que le financement pour les crédits et l’accès au marché pour l’écoulement des produits.

Pour me résumer, il y a trois facteurs clés : la formation de l’acteur principal, le crédit et le marché. Lorsque ces trois paramètres sont réunis alors on commence seulement à résoudre la problématique des exploitations agricoles familiales.

 La production agricole, un facteur de croissance

 Ruben Etienne : Le chef de l’Etat du Cameroun, Paul Biya propose une agro-industrie qui va absorber les productions de ces exploitations, alors comment faire pour booster la production actuelle qui ne décolle toujours pas ?

 Pr Mvondo Ze : Il faut mettre les bouchés doubles dans la formation, dans l’accompagnement des initiatives sur le terrain. Il faut rendre la profession plus attractive, il n y a pas d’autres solutions. Le Cameroun doit créer des pôles de démonstration. Des étudiants en agronomie - FASA(c) Florence EstherTout le monde doit y participer. Je pense à l’Institut de la Recherche Agricole pour le Développement (IRAD), à la formation agronomique dans les universités, au Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural (MINADER) et à d’autres partenaires.

 Il faut donc développer une réelle synergie car nous sommes dans le contexte de gens qui doivent aujourd’hui avoir des résultats et qui n’ont pas véritablement préparé le terrain avant que les financements n’arrivent. Nous devons faire vite et bien.

 Un plan opérationnel pour une production agricole durable

 Ruben Etienne : Vous êtes professeur d’université, si on vous demandait de proposer un plan opérationnel pour relancer durablement la production agricole au Cameroun quel serait votre feuille de route ?

 Comme vous le savez, on ne réinvente pas la roue. Il n’est pas  besoin d’être professeur d’université pour réfléchir sur les perspectives de sortie de cette crise de la production. Je dois le dire, les enseignants secondaires par exemple ont réfléchi là-dessus pour créer des filières agricoles à partir du secondaire. Aujourd’hui, il existe le BAC agricole. Il s’agit donc tout simplement de bien étudier les programmes qui sont dispensés et d’encourager les jeunes qui veulent s’installer dans les filières agricoles. Il faut les accompagner avec des terres, des crédits appropriés et du matériel. il y a un effort à faire dans ce sens pour que les habitudes changent.

 Ruben Etienne : Le gouvernement du Cameroun a opté pour la promotion des exploitations familiales auprès des jeunes. Ces structures à l’état actuel, peuvent-elles contribuer à soutenir la croissance du pays ?   

 Pr Mvondo Ze : Je pense qu’il faut dans le contexte actuel du pays croire à ces exploitations familiales. Lorsque l’on regarde le Japon qui est autosuffisant sur le plan alimentaire alors qu’il n’a pratiquement pas de terre agricole, on peut s’étonner de ce miracle. A l’observation, on constate qu’il a réussi à créer avec des petites exploitations une production agricole soutenue. Le tout, c’est donc de bien cerner sa stratégie. Ce ne doit pas être des exploitations isolées car il faut une synergie entre les exploitations pour stimuler la production. C’est la seule condition pour être compétitif et mettre sur le marché de grandes quantités de produits. La transformation et l’industrialisation peuvent alors suivre et se faire sans difficulté.

 Ruben Etienne /Journaliste agric-infos

*Le Professeur Antoine David Mvondo Ze est Doyen de la faculté d’agronomie et des sciences agricoles (FASA) FASA - Pr MVONDO ZE - FASA DSCHANG DSC01653de l'Université de Dschang au Cameroun. Enseignant et expert du développement durable, il est incontournable dans la transformation actuelle de l'agriculture camerounaise vers une agriculture de 2ème génération, plus productive, durable et rentable.

 

 

 

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