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économie rurale
12 novembre 2017

Sécurité alimentaire: les prémices d'un désastre annoncé

labour manuel(c)captagricnews_007(3)

Cameroun : l’ombre des émeutes de 2008 plane                    

Dr Kakdeu est professeur et consultant en communication et conseils agricoles. Il revient sur les facteurs qui freinent le développement de l’agriculture camerounaise et limite sa compétitivité. Il peint un tableau sombre des politiques agricoles successives qui sont implémentées par les ministères successifs au département de l’agriculture. Le décret du 1er juin 2017 du ministre Henri Eyebe Ayssi annonçant la fermeture en décembre 2017 de 15 projets et programmes d’appui au développement des filières renforce les craintes de voir ressurgir en 2018 ou plus tard les émeutes de la faim que le pays a connu au cours de l’année 2008. Si le ministre de l’agriculture veut vraiment faire bouger les lignes, il est temps qu’il mette les mains à la pâte. Il faut une autre politique sociale pour impulser un mouvement de retour vers les villages.

 Ruben Étienne : Peut-on conclure que la Cameroun se trouve dans les mêmes conditions structurelles qu’en 2008, au moment  où éclatent les émeutes de la faim ?

Dr Kakdeu : « Non, il faut dire que depuis 2008, beaucoup de choses ont été faites dans le sens d’une meilleure structuration des filières de production. Mais on note encore beaucoup de dissonance, on peut même parler de discordance entre les options définies par les plus hautes autorités et l’implémentation réelle qui est faite sur le terrain. La mouvance actuelle donne à penser que le ministre chercher à harmoniser les stratégies en cours pour atteindre plus d’efficacité dans l’action auprès des producteurs. La conséquence est la même, les producteurs se sentent perdus.

 Ruben Étienne : A vous entendre, doit-on conclure que le problème de la production agricole camerounaise est avant tout structurel ?

Dr Kakdeu : « Oui et non car il y a d’une part cette dispersion des messages qui viennent du ministère de l’agriculture (MINADER), du ministère des petites et moyennes entreprises(MINPMEESA), du ministère de l’économie (MINEPAT) ou des structures privées. Il faudrait donc mettre en place dans les meilleurs délais un dispositif du service de conseil agricole concerté qui donne aux producteurs les orientations décidées et arrêtées par le département de l’agriculture.

Le second problème est l’absence d’une approche participative et inclusive. On a tendance à exporter le développement en milieu rural. Par exemple, actuellement, l’Etat est entrain de constituer des réserves de terre pour le développement des spéculations agroalimentaires. Sauf que ces terres qui vont être redistribuées à des firmes de production ont été arrachées aux exploitations familiales.

Enfin, la plupart des projets et programmes initiés pour accompagner les filières n’ont pas réussi à pérenniser l’activité créée. On peut encore se désoler que dans les zones de production de riz, deux ans après les investissements, il n’y a plus personne. Il faut admettre que l’agriculture est un métier. Il s’agit donc de former les jeunes ruraux qui sont déjà bien implantés afin qu’ils deviennent les industriels de demain. Ceux qui produisaient il y a quarante ans sont aujourd’hui fatigués et plus rien ou presque, ne sort des champs.

 Le Cameroun est donc plongé dans la sous production. La main d’œuvre au champ a fondu tandis que la démographie en ville a triplé. Il faut une autre politique sociale pour impulser un mouvement de retour vers les villages. Et là c’est un autre problème que la mécanisation des opérations culturales pouvait régler mais on en est encore très loin.

 Ruben Étienne : Mais comment combattre l’exode des jeunes vers les villes ?

Dr Kakdeu : « Dans les objectifs des projets et programmes existants, tout le monde lutte contre la pauvreté en milieu rural. Tous prétendent améliorer les conditions et le cadre de vie. Mais le constat est amer. On constate qu’au fil des années rien ne bouge et les jeunes continuent d’aller vers des emplois précaires  en ville. Le nombre de conducteurs de mototaxi a été multiplié par 100 en moins de 3 ans. Le taux de pauvreté dans les villages augmente. C’est incompréhensible dans un pays où depuis plusieurs décennies, on investit massivement des milliards FCFA dans l’agriculture.

Il faut donc imaginer de nouvelles approches pour éviter le pire. Car le pire est à venir. Le ministère de l’agriculture doit adopter une approche holistique. Elle permet que tous les intervenants dans une même chaine de valeur, puissent jouer la même partition pour qu’il y ait une continuité dans leurs actions. On peut  seulement regretter qu’il y ait dans ce pays une politique foncière qui travaille à part, une politique de production initiée par le ministre de l’agriculture qui ne peut disposer de terre pour sa jeunesse et que dire de l’industrialisation. La solution, c’est de mettre tous ces gens ensemble et de permettre la création de véritables bassins de production, de rassurer les producteurs qui sauront qu’en produisant, ils savent déjà à qui ils vont vendre. Si on résout ces trois problèmes que j’ai présentés, il n’y a pas de raison de rester optimiste pour l’avenir du Cameroun sur le plan de la sécurité alimentaire. 

Mis en forme par Florence Esther / Photoreporter -Agric-infos

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Dr Kahdeu aux 1ère journées des innovations agricoles à Yaoundé(c)rubenetienne_IMG_7453Dr Kakdeu Louis Marie est chercheur et conseiller en communication et conseils agricoles

 

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